Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/58

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veilleux en coupe réglée, et il avait refusé de voir le célèbre Home dont un instant s’occupa tout Paris. La veille encore, il vivait en garçon insouciant, de belle humeur, assez heureux en somme d’être au monde, où il ne faisait pas trop mauvaise figure, renfermé dans le cercle des choses visibles et ne s’inquiétant pas si la planète entraînait avec elle dans sa ronde autour du soleil une atmosphère animée ou non d’un peuple d’êtres invisibles et impalpables. Cependant il ne pouvait s’empêcher d’en convenir, les conditions de sa vie étaient changées ; un élément nouveau, sans qu’il l’eût appelé, cherchait à s’introduire dans son existence jusque-là si paisible et dont il avait banni avec soin tous les sujets probables de trouble. C’était peu de chose encore : un soupir faible comme un gémissement de harpe éolienne, une substitution de pensée dans une lettre machinalement écrite, trois mots soufflés à l’oreille, la rencontre d’un baron swedenborgiste à l’air solennel et fatidique ; mais il était évident que l’esprit tournait autour de lui quærens quem devoret, comme dit la Bible dans son éternelle sagesse.

Tout en rêvassant de la sorte, Guy de Malivert était arrivé au rond-point des Champs-Élysées sans avoir eu l’intention d’aller de ce côté-là plutôt que d’un autre. Son corps l’avait porté en ce sens, et il l’avait laissé faire. Il y avait peu de