Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/63

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hier, et jeté dans une préoccupation qui ne m’est pas habituelle. Dans mon état normal, je ne suis pas distrait à table, mais aujourd’hui d’autres pensées me dominent malgré moi. Avez-vous des projets pour la soirée, baron ? Si vous n’aviez rien d’utile ou d’agréable à faire, je vous proposerais, après le café, de fumer quelques cigares de compagnie, sur le divan du petit salon de musique, où nous ne serons pas troublés, à moins qu’il ne prenne fantaisie à quelqu’un de ces messieurs de tracasser le piano, ce qui est peu probable. Nos musiciens sont tous absents ce soir et occupés à voir la répétition générale du nouvel opéra. »

Le baron de Féroë acquiesça de la façon la plus polie à la proposition de Malivert, et il répondit gracieusement qu’il ne pouvait y avoir une meilleure manière d’employer le temps. Les deux gentlemen s’établirent donc sur le divan et s’occupèrent d’abord à tirer des bouffées régulières d’excellents cigares de la vuelta de abajo, chacun rêvant de son côté à l’entretien nécessairement bizarre qui ne devait pas tarder à s’engager. Après quelques observations sur la qualité du tabac qu’ils fumaient, sur la préférence qu’on doit accorder à la robe brune sur la robe blonde, le baron suédois entama lui-même le sujet que Malivert brûlait d’aborder.

« J’ai d’abord quelques excuses à vous faire de l’avis énigmatique que je me suis permis. Je