Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/62

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genterie et de réchauds d’argent, était assez délicat, et chacun l’arrosait à sa manière, celui-ci de vin de Bordeaux, celui-là de vin de Champagne, tel autre de pâle ale, suivant son caprice ou son habitude. Quelques-uns, d’un goût assez anglaisé, demandaient un verre de sherry ou de porto, que de grands laquais en culotte courte apportaient cérémonieusement sur des plateaux guillochés, au chiffre du club. Chacun suivait sa fantaisie, sans s’inquiéter de son voisin, car, au club, tout le monde est chez soi.

Contre son ordinaire, Guy faisait médiocrement honneur au dîner. La moitié des mets restaient sur son assiette, et la bouteille de château-margaux placée devant lui ne se vidait que bien lentement.

« Il n’y aurait pas besoin, dit le baron de Féroë, de vous adresser le reproche que l’ange blanc fit un jour à Swedenborg : « Tu manges trop ! » Vous êtes ce soir d’une sobriété exemplaire, et l’on croirait que vous essayez de vous spiritualiser par le jeûne.

— Je ne sais si quelques bouchées de plus ou de moins me dégageraient l’âme de la matière, répondit Guy, et rendraient plus diaphanes les voiles qui séparent les choses invisibles des choses visibles, mais je ne me sens pas très en appétit. Certaines circonstances que vous paraissez ne pas ignorer m’ont, je l’avoue, un peu étonné depuis