Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/67

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discerner ; on y voit des merveilles et des épouvantements à troubler la raison humaine. Nul ne revient du fond de cet abîme sans en garder sur le front une pâleur qui ne s’efface pas ; l’œil charnel ne contemple pas impunément ce qui est réservé à l’œil de l’âme ; ces voyages hors de notre sphère causent d’inexprimables lassitudes et inspirent en même temps des nostalgies désespérées. Arrêtez-vous sur cette limite redoutable, ne passez pas d’un monde dans l’autre et ne répondez pas à l’appel qui cherche à vous attirer hors de la vie sensible. Les évocateurs sont en sûreté dans le cercle qu’ils tracent autour d’eux et que les esprits ne peuvent franchir. Que la réalité soit pour vous ce cercle ; n’en sortez pas, car alors votre pouvoir cesse. Vous voyez que, pour un hiérophante, je ne pousse guère au prosélytisme.

— Ai-je donc à craindre, dit Malivert, des aventures périlleuses dans ce monde invisible qui nous entoure et dont la présence ne se révèle qu’à un petit nombre de privilégiés ?

— Non, répondit le baron de Féroë ; rien d’appréciable pour l’œil humain ne vous arrivera, mais votre âme peut rester profondément et à jamais troublée.

— L’esprit qui me fait l’honneur de s’occuper de moi est donc de nature dangereuse ?

— C’est un esprit de sympathie, de bienveil-