Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/83

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à se manifester à Guy, qu’il ne suffisait plus de diriger par des influences occultes. Quel était le motif de cet intérêt ? Spirite agissait-elle d’un mouvement spontané, ou bien obéissait-elle à un ordre émané de cette sphère radieuse où l’on peut ce que l’on veut, selon l’expression de Dante ? C’est ce qu’elle seule était en état de révéler et qu’elle révélera peut-être bientôt.

Enfin Malivert se coucha et ne tarda pas à s’endormir. Son sommeil fut léger, transparent et rempli de merveilleux éblouissements qui n’avaient pas le caractère des rêves, mais bien plutôt celui de la vision. Des immensités bleuâtres, où des traînées de lumière creusaient des vallées d’argent et d’or se perdant en perspectives sans bornes, s’ouvraient devant ses yeux fermés ; puis ce tableau s’évanouissait pour laisser voir à une profondeur plus grande des ruissellements d’une phosphorescence aveuglante, comme une cascade de soleils liquéfiés qui tomberait de l’éternité dans l’infini ; la cascade disparut à son tour, et à sa place s’étendit un ciel de ce blanc intense et lumineux qui revêtit jadis les transfigurés du Thabor. De ce fond, qu’on eût pu croire l’extrême paroxysme de la splendeur, pointaient çà et là des élancements stellaires, des jets plus vifs, des scintillations plus intenses encore. Il y avait dans cette lumière, sur laquelle les étoiles les plus brillantes se fussent découpées en noir, comme le