Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/92

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nies qu’enlaçaient, comme les bandelettes d’un cothurne, les courroies du patin. Ceux-là, luttant de vitesse, glissaient sur un seul pied, profitant de la force d’impulsion, penchés en avant comme l’Hippomène et l’Atalante qu’on voit sous les marronniers dans un parterre des Tuileries. Le moyen de gagner la course, aujourd’hui comme autrefois, eût peut-être été de laisser tomber des pommes d’or devant ces Atalantes costumées par Worth ; mais il y en avait d’assez bonne maison pour qu’un nœud de brillants ne les arrêtât pas une minute. Ce fourmillement perpétuel de costumes d’une élégance bizarre et d’une riche originalité, cette espèce de bal masqué sur la glace, formait un spectacle gracieux, animé, charmant, digne du pinceau de Watteau, de Lancret ou de Baron. Certains groupes faisaient penser à ces dessus de porte des vieux châteaux représentant les quatre Saisons, où l’Hiver est figuré par de galants seigneurs poussant, dans des traîneaux à col de cygne, des marquises masquées de loups de velours, et faisant de leurs manchons une boîte aux lettres à billets doux. À vrai dire, le masque manquait à ces jolis visages fardés par les roses du froid, mais la demi-voilette étoilée d’acier ou frangée de jais pouvait au besoin en tenir lieu.

Malivert avait arrêté son traîneau près du lac et regardait cette scène divertissante et pittoresque dont les principaux acteurs lui étaient connus. Il