Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/15

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jour fixe avec leurs charrettes, et Paris, pour changer de chemise, a dû s’armer lui-même du battoir.

Une animation extrême règne sur tout le quai : on va, on vient, on monte, on descend, on charrie toutes sortes de denrées, on empile les bûches, on range par assises les planches et les madriers. Le mouvement dans la lumière ressemble à de la joie, et, malgré la tristesse de la situation, le spectacle de l’activité humaine sous un beau ciel bleu est toujours gai. « Si une bombe tombait sur un de ces tas de bois, quel incendie ! dit près de nous sur le bateau une de ces prudences qui prévoient tous les malheurs. — Eh bien, on verserait la rivière dessus. Quoi de plus commode ! »

Il y avait longtemps que nous n’étions venu par là, et c’était pour nous comme une ville nouvelle. Ceux qui ont connu l’ancien Paris auraient peine à retrouver dans cette ligne de maisons superbes et de restaurants somptueux le vieux quai de la Rapée avec ses guinguettes barbouillées de rouge comme la joue d’un buveur, et qui souriaient si vermeilles à travers le feuillage des tonnelles et l’ombre des marronniers. Ce lieu