Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/153

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le dictionnaire. Sans aller jusque-là, il n’est pas impossible à un observateur de se rendre compte des impressions et des jugements des bêtes.

Il est douteux que les chiens, par exemple, aient su notre investissement par les Prussiens. Ils ne connaissent ni le roi Guillaume, ni M. de Bismark, ni M. de Moltke, mais ils se rendirent très-bien compte, et cela depuis les premiers jours, de la situation anormale de Paris. Le mouvement inaccoutumé de la population, le changement presque général du costume civil en costume militaire, les exercices des mobiles et des gardes nationaux sur les places, les sonneries du clairon, les batteries du tambour les inquiétaient, les étonnaient et leur donnaient à réfléchir. Quelques-uns, réfugiés avec leurs maîtres, étaient visiblement dépaysés ; ils hésitaient dans le choix des rues, incertains d’allures, flairant la voie et consultant aux angles des carrefours quelque confrère du quartier. Les chiens suburbains n’avaient nullement la physionomie des chiens de ville ; ils étaient aisément discernables à leur air rustique et campagnard. Dès qu’une voiture faisait entendre son roulement, ils se rangeaient de loin avec des signes de frayeur, tandis que les