Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/29

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bassade d’Espagne, l’hôtel du Cercle agricole, et, se présentant de profil pour faire face à la Madeleine le palais du Corps législatif, auquel l’éloignement prête un faux air de temple grec. Sans doute, cela ne vaut pas le Parthénon, mais à distance, avec les magies de la lumière et de la perspective, les ruptures de lignes produites par la silhouette des arbres massés près du pont, l’effet à l’horizon est d’une grâce incomparable. Au fond, dans une vapeur bleuâtre, ondulent les coteaux de Meudon et de Sèvres, noyés, perdus, et d’une douceur de ton qui rappelle les derniers plans de Claude Lorrain.

Pendant que le pyroscaphe descend le fleuve, laissant derrière lui son sillage écumeux, sur le quai passent au grand trot, avec ce retentissement formidable qui ressemble au bruit du char de Capanée roulant sur son pont d’airain, les pièces de canon et les fourgons d’artillerie. Les baïonnettes des régiments en marche luisent au soleil comme les épis d’une moisson d’acier. On est toujours accompagné par le bruit rhythmé du tambour et l’éclatante fanfare du clairon ; une activité militaire sans pareille règne partout. Le temps du rêve est passé.