Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/373

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Ce ne serait peut-être pas un paradoxe de soutenir que, dans aucune ville capitale, on n’est aussi sobre, aussi tempérant, aussi chaste et aussi moral qu’à Paris. Nous n’en voulons d’autre preuve que la nombreuse armée des mercenaires du plaisir, hétaïres, petites dames, biches, lorettes, cocottes, qui témoignent de la vertu des honnêtes femmes que l’amour n’essaye même pas d’attaquer, convaincu qu’il perdrait son temps.

Il faut donc laisser aux piétistes et aux mômiers, aux tartufes de la philosophie et de la politique, aux imbéciles de toutes les sectes, aux petits Juvénals à la suite, aux rabâcheurs de lieux communs démodés, ces banales déclamations, où Paris est comparé à la grande prostituée de Babylone, chevauchant la bête de l’Apocalypse et autres aménités bibliques. Cela sent son cuistre et n’est pas de bonne compagnie. La cité que Henri IV appelait déjà « Paris la grand’ville, » mérite plus d’égards ; ces injures sont de noires ingratitudes. Paris, qu’on disait si profondément gangrené par les pourritures de la décadence, si énervé par le luxe et la débauche, si incapable de se passer de son comfort, s’est montré héroïque sans emphase et, seul, n’a pas désespéré de