Page:Gautier - Tableaux de Siége.djvu/372

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pas dans son caractère ; il est trop raffiné, trop élégant, trop ingénieux, trop blasé même, si l’on veut, pour s’abaisser à des plaisirs grossiers. Sa gourmandise cherche les petits plats fins, sa débauche l’ivresse légère des vins de Champagne, mêlant l’argent de leur écume aux roses qui couronnent la coupe ; son vice, très-peu sensuel au fond, s’amuse à chiffonner les dentelles, les rubans et les fleurs, à soutenir des causeries galantes, à débiter des paradoxes de sentiment. D’une jolie bouche il préfère le mot piquant au baiser voluptueux. A force de goût il a pour ainsi dire spiritualisé la matière, il lui a ôté sa lourdeur et donné des ailes. Ce n’est plus une chair pantelante sur l’étal, c’est un arome, un fumet, une essence qui s’évapore comme le parfum d’une cassolette. Qu’a-t-on donc mangé ? On n’en sait rien souvent. Mais quelles sauces, quels condiments, quelle manière de dresser et de servir ! Paris n’a pas les basses voracités des autres pays ; pour s’enfoncer dans la matière, il a l’esprit trop occupé par le spectacle de formes choisies, de riches toilettes, d’objets d’art, de tout un monde de choses variées et brillantes. qui se renouvellent sans cesse. Il est trop artiste et trop poëte.