Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Pierrot.
Docteur, pour éviter des gourmades sans nombre,
Convenez que je suis un corps et non une ombre.

Le Docteur.
Vous êtes bien un corps, j’en conviens.

Pierrot.
Vous êtes bien un corps, j’en conviens. C’est heureux !

Le Docteur.
Être une ombre serait un destin moins affreux.

Pierrot.
Je sens, je vois, j’entends, je marche, je respire.

Le Docteur.
Oui, c’est le plus fâcheux.

Pierrot.
Oui, c’est le plus fâcheux. Et que suis-je ?

Le Docteur.
Oui, c’est le plus fâcheux. Et que suis-je ? Un vampire !

Colombine.
Un vampire ! grands dieux !

Le Docteur.
Un vampire ! grands dieux ! Ce teint mat et blafard,
Cette lèvre sanglante, avec cet œil hagard,
Tout le dit.

Colombine.
Tout le dit. S’il allait, pendant que je repose,
M’entr’ouvrir une veine et sucer mon sang rose ?

Le Docteur.
Sans doute il le fera, car c’est le seul moyen
Que les gens de sa sorte aient pour se porter bien.

Pierrot.
N’est-il aucun remède, aucune médecine ?

Le Docteur.
Mon Dieu, si !… L’on vous plante un pieu dans la poitrine,
L’on vous coupe en quartiers, on brûle vos morceaux,