Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/219

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Trois cent mille habitants sur qui je peux compter.
Même je leur permets d’aller voir à la ville
Mélodrame, opéra, ballet ou vaudeville,
Toute œuvre curieuse et tout acteur vanté,
Tellement je suis sûr de leur fidélité.

L’Esprit chagrin.
Votre salle remplie, il vous faut une troupe,
Des acteurs…

Le Directeur.
Des acteurs…J’en ai trop ; voyez plutôt ce groupe !
––Toutes les portes s’ouvrent. — Les acteurs se
––-–––répandent sur le théâtre.
Ces marauds sont mes niais ; ces gaillards véhéments––
Font les jeunes premiers et les rôles d’amants.
Dès sept heures du soir, afin de plaire aux femmes,
Jusqu’à minuit sonnant ils jettent feux et flammes.
Il leur est défendu d’avoir de l’embonpoint ;
Un amoureux trop gras ne persuade point.
Ils doivent, par contrat, garder la taille mince,
Ou s’en aller grossir les troupes de province.
Regardez ces deux-ci ; quel air de vieux tableau !
L’un est signé van Dyck, et l’autre Murillo ;
Avec cet air, ce port, cette mine hautaine,
D’Henriette ou d’Emma la défaite est certaine.

L’Esprit chagrin.
Comment s’appellent-ils ?

Le Directeur.
Comment s’appellent-ils ?Ils ne s’appellent pas !
Sur le char deThespis ils font leurs premiers pas.
Si leurs noms sont obscurs, ils se feront connaître ;
Attendons. Nul ne fut célèbre avant de naître.
D’autres ont le passé, nous avons l’avenir ;
Le temps coule, et l’espoir vaut bien le souvenir.
Qui sait ? dans cette troupe encor timide et gauche,