Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/222

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Verse une part de toi dans les chefs-d’œuvre à naître :
Si tu veux nous aider, il en viendra peut-être.
La nature n’a pas vidé tout son trésor,
Et Dieu nous doit beaucoup de poëtes encor.
Patrie aux flancs féconds, sainte mère des hommes,
Ce que furent jadis nos pères, nous le sommes,
Et ton généreux sang, qui fît tant de vainqueurs,
N’a point perdu sa pourpre en coulant dans nos cœurs.
Soulevons le passé qui sur nos fronts retombe :
Le laurier peut verdir ailleurs que sur la tombe.
Pas trop de piété pour nos illustres morts,
Ne décourageons pas de vivaces efforts.
D’un vol prompt, sur le toit, si le moineau s’élance,
L’aigle qui va planer en rampant se balance :
Le but est le soleil, le chemin l’infini,
Et l’oiseau, palpitant, hésite au bord du nid :
Mais, quand il s’est lancé dans le vent qui l’appelle,
Prenez garde qu’un plomb n’ensanglante son aile,
Car il est des chasseurs qui font la lâcheté
De tirer sur un aigle ivre d’immensité !…