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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/221

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L’Esprit chagrin.
Cette dame en atours ?

Le Directeur.
Cette dame en atours ?C’est ma grande coquette,
Ma Célimène, adroite à ce jeu de raquette
Où d’un causeur à l’autre un mot étincelant
Rebondit sans tomber comme fait un volant.
Prenez votre lorgnon, pour voir la Comédie
Qui là-bas dans un coin parle à la Tragédie.

L’Esprit chagrin.
Thalie et Melpomène en conversation.
C’est un drame.

Le Directeur.
C’est un drame.Ces yeux où luit la passion
Feront verser des pleurs en en versant eux-mêmes ;
Ces lèvres lanceront de sombres anathèmes.

Un garçon de theatre.
Monsieur, il est bientôt l’heure de commencer.

L’Esprit chagrin.
Ah ! mon Dieu ! trouverai-je encore à me placer ?

Le Directeur.
Je suis vraiment flatté de votre inquiétude !
On se place toujours dans une solitude…
Vous vous contredisez, mon cher Esprit chagrin,
Mais déjà des archets j’entends grincer le crin ;
Les trois coups sont frappés, on va lever la toile ;
On vous verrait tout vif. Filez… comme une étoile,
Sur l’affiche du jour on ne vous a pas mis.
––Au public.
Maintenant, ô vous tous, ô mes meilleurs amis, ––
Chers inconnus, public ! grande âme collective,
Cerveau toujours fumant où bout l’idée active,
Maître puissant, par qui tout génie est formé ;
Public, sublime auteur qu’on n’a jamais nommé,