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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/239

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Et sa rage médite exil, mort ou prison
Pour l’insolent héros qui n’a pas de blason.
Struensée éperdu, fou d’une double ivresse,
Poursuit aveuglément le rêve qu’il caresse ;
Mais l’aspic siffle en bas quand l’aigle plane en haut,
Et plus d’un songe d’or finit à l’échafaud.
En vain le saint pasteur qui pleure et qui supplie
Montre à son fils le ciel que son amour oublie,
En vain Rantzau masqué l’avertit dans un bal
Que la haine est armée et guette le signal ;
Il faut qu’il marche, il faut que son sort s’accomplisse :
Qu’importe la prison, qu’importe le supplice !
Le cercle de sa vie est désormais fermé ;
Par la reine, un moment, peut-être il fut aimé !
Et du billot sanglant, autel expiatoire,
Victime et non coupable il monte dans sa gloire,
Des fanges de la terre au céleste séjour,
Comme un parfum divin emportant son amour…
Mais le temps fuit, j’entends la basse qui chuchote
Et le violon pleure en essayant sa note.
Paroles, fermez l’aile ; et vous, vers, taisez-vous !
Laissez chanter l’orchestre aux sons puissants et doux.

Manuscrit sans date.