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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/320

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À la danse succède une course en sac. Les concurrents, enfermés juqu aux épaules dans un fourreau de toile, font pour avancer les efforts les plus grotesques. Job est tombé dix fois sur le nez quand François, aussi adroit que vigoureux, a déjà fourni la moitié de la carrière. Mais voici que le père Martin revient de la ville. François, honteux d’être pris ainsi en flagrant délit, tâche en faisant des soubresauts, d’éviter la rencontre de son père, qui le découvre et lui reproche sa paresse et son insouciance. Il n’a pas trouvé d’argent à la ville et il apporte une mauvaise nouvelle. C’est aujourd’hui qu’on doit tirer à la milice dans le village. Martin précède le recruteur. À cette nouvelle, la fête est suspendue, la consternation est peinte sur tous les visages, les mères soupirent, les pères prennent un air sombre et les jeunes filles serrent tristement la main de leurs fiancés ; chacun se sent menacé dans son amour ou son avenir.

Martin n’avait dit que trop vrai ; on entend une fanfare de clairon, et bientôt le recruteur Bridoux entre avec sa troupe, suivi du bailli et de ses acolytes, qui portent la roue où sont contenus les numéros. — La roue est installée sur une table au milieu de la stupeur et de l’effroi de la foule immobile et on procède à l’appel nominal.

Job et François sont du nombre de ceux qui doivent tirer, et certes ni l’un ni l’autre n’a l’ambition de devenir un héros à cinq sols par jour. Ils aimeraient mieux autre chose, épouser Pâquerette et rester au village, par exemple, sort moins brillant, mais plus doux.

En prévision d’un mauvais numéro, Job arrive clopin dopant, traînant le pied avec la grâce d’un faucheux à qui un moissonneur a coupé trois pattes ; mais le maréchal des logis Bridoux, qui n’est pas crédule en fait d’infirmités, examine la jambe de Job, la tâte en tous sens et ne lui trouve d’autre défaut que de ressembler à une jambe de coq. Job continue à se prétendre infiniment perclus et plus écloppé que le messager