Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/325

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lèvres : c’était une distraction, mais vous êtes si jolie qu’on pourrait s’y tromper ; et il laisse aller Catherine.

Les camarades de François se moquent de cet élan sentimental, car le soldat français, surtout lorsqu’il a l’honneur d’appartenir au Royal-Cravate, est plus vainqueur que troubadour, et notre jeune homme voulant leur prouver que s’il est amoureux il n’en est pas moins joyeux pour cela, se mêle délibérément à leurs jeux.

Le maréchal des logis Bridoux, dont l’opinion est que le militaire doit être aussi agréable que terrible et joindre à l’escrime les arts d’agrément, donne une leçon de danse aux jeunes engagés, afin qu’ils soutiennent l’honneur du drapeau devant l’orchestre des guinguettes et ne prêtent point à rire aux jeunes filles par leur gaucherie chorégraphique, et il exécute la monaco avec Catherine, vis-à-vis de laquelle il prend des airs avantageux et triomphants qui donneraient à supposer qu’ils sont au mieux.

Malgré l’excellente opinion qu’il a de lui-même, Bridoux n’a pas la grâce de François, et les poses qu’il prend tout en fredonnant : « À la monaco l’on chasse et l’on déchasse, » ne sont peut-être pas aussi charmantes qu’il le suppose, et quoique, selon lui, un maréchal des logis soit un composé de toutes les perfections et de tous les talents, d’humbles conscrits et de simples soldats pourraient le surpasser s’ils ne craignaient d’expier leur supériorité à la salle de police.

Cette crainte n’arrête pas François, qui imite d’une manière comique les pas du sergent et fait rire tous ses camarades. Le maréchal des logis, mortifié du peu d’effet qu’il produit, et qui voudrait bien pouvoir regarder cette hilarité comme une infraction au respect de la hiérarchie militaire, envoie tous les soldats à la gamelle et sort en les poussant et les querellant.

Catherine, restée seule, s’égaye des prétentions ridicules du sergent, prétentions dont elle sait mieux que personne