Aller au contenu

Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


ACTE SECOND

Du village du Nord aux jolies maisons flamandes, l’action s’est transportée dans une ville du midi de la France. La place où se déroulait la joyeuse kermesse est changée en intérieur de caserne. François est déjà bien loin de Pâquerette. Un gai tableau militaire a succédé à la danse des Saisons : des soldats enfourchés cavalièrement sur un banc jouent aux cartes, et comme la bourse du troupier est médiocrement garnie, le perdant arbore sur son nez, au milieu des éclats de rire, une drogue, c’est-à-dire une espèce de caveçon de bois surmonté d’un petit drapeau qui lui pince les narines et lui fait faire d’amusantes grimaces. D’autres, qui ont pris des timbales pour table, agitent le cornet et font rouler les dés sur la peau d’âne : quelques-uns, sous la conduite d’un prévôt de salle, tirent le sabre, et comme ils sont encore un peu novices, se livrent à des développés ridicules et empochent tous les coups qu’il plaît au maître de leur porter. Les anciens fument tranquillement ou boivent en disant des galanteries ou en prenant la taille aux cantinières qui circulent parmi les groupes, tenant leur petit baril sous le bras.

François, qui veut, comme tout nouveau venu, exagérer l’aisance militaire, essaye d’embrasser l’une des cantinières, la belle Catherine, qui le repousse en lui disant : Votre cœur n’est pas d’accord avec vos lèvres ; pourquoi me donner le baiser qui revient à une autre ? Vous êtes amoureux, mon beau galant, je le sais, mais ce n’est pas de moi.

— C’est vrai, répond François en tirant de sa poitrine la croix que lui a donnée Pâquerette, et en la portant à ses