Aller au contenu

Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/327

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

répète le même manège ; en se tenant debout sur la pointe de ses orteils, elle a juste la taille voulue. Bridoux, de plus en plus étonné, vérifie la marque. Le petit jeune homme est assez grand. — Eh bien, je ne l’aurais pas cru, moi qui ai pourtant la toise dans l’œil. Comme on se trompe ! ajoute Bridoux par manière de réflexion. — Mais quelles petites mains et quel pied mignon ! pour manier le sabre et chausser la botte ! et quelle peau blanche et douce ! Heureusement avec l’exercice, les marches forcées et le hâle, tout cela peut se corriger. Quant aux moustaches, il y a du retard ; le rasoir et la graisse d’ours les feront venir. — Allons, marchez devant moi : droite ! gauche ! au pas simple ! au pas accéléré ! Cela ne va pas trop mal, on pourra tirer parti de vous ; mais avant de vous recevoir dans l’honorable corps du Royal-Cravate, il faut que je vois si vous n’avez aucun vice de construction ; déshabillez-vous.

Cet ordre embarrasse terriblement Pâquerette. Pour donner le change au maréchal des logis et le distraire de cette idée qui trahirait son secret et sa pudeur, la jeune fille s’empare d’une carabine et se met à faire l’exercice avec précipitation ; comme l’arme est un peu lourde pour ses mains délicates, elle en laisse tomber la crosse précisément sur le pied du sergent, qui sacre et qui maugrée et revient à sa première idée.

— C’est trop barguigner ; vite, déshabillez-vous : Pâquerette éperdue refuse. — Bon ! je comprends, dit Bridoux en clignant de l’œil ; on est jeune, on est timide ; c’est madame qui vous gêne, elle va se retirer. Catherine en effet s’en va pour ne pas contrarier l’examen. — Maintenant nous voilà entre hommes ; à bas la veste !

La pauvre Pâquerette fait un geste de dénégation.

— Vous êtes donc bossu ? s’écrie le sergent impatienté ; à bas ceci ! dit-il en désignant une pièce de vêtement encore plus indispensable que Pâquerette ne veut pas quitter ; voyant qu’elle refuse, il dit : Vous êtes donc bancal ?