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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/69

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CÉLINDE.

Rien n’est plus simple : je vous divertis et vous ne me divertissez pas. Croyez-vous, monsieur le duc, qu’il soit si agréable de voir toute une soirée M. le marquis, renversé dans un fauteuil, dandiner une de ses jambes, tirer de sa poche un petit miroir, et se faire à lui-même les mines les plus engageantes ?

LE DUC.

En effet, ce n’est pas fort gai.

CÉLINDE.

Et vous, chevalier, trouvez-vous que M. le duc, qui ne fait que parler de sa meute, de ses chevaux et de ses équipages, et qui est, sur tout ce qui regarde l’écurie, d’une profondeur à désespérer un palefrenier anglais, soit réellement un personnage fort récréatif ?

LE CHEVALIER.

C’est vrai que la conversation n’est pas le fort de ce pauvre duc.

CÉLINDE.

Commandeur, vous n’êtes plus que l’ombre de vous-même ; votre principal mérite consiste à être grand mangeur et grand buveur ; vous n’êtes pas un homme, vous êtes un estomac ; vous avez baissé d’un dindon, et six bouteilles seulement vous troublent la cervelle ; vous vous endormez après dîner, — dormez chez vous.

M. DE VAUDORÉ.

Que les apparences sont trompeuses ! moi qui la croyais si douce et si charmante !

CÉLINDE.

Quant à M. de Vaudoré, c’est un sac d’écus avec un habit et un jabot ; — qu’on le serre dans un coffre-fort, c’est sa place.

TOUS.

Bien dit, bien dit ; elle a toujours de l’esprit comme un diable.