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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/71

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— Il faut être duchesse ou reine pour se permettre le caprice d’un laquais où d’un poëte, sans que cela tire à conséquence. — Voilà ce que j’avais à vous dire dans votre intérêt. Maintenant je vous abandonne à votre malheureux sort. — Messieurs, puisque Célinde est si peu hospitalière aujourd’hui, venez passer la nuit chez moi. — Nous boirons, et, au dessert, Lindamire et Rosimène danseront sur la table un pas nouveau avec accompagnement de verres cassés. — Madame, je mets mes regrets à vos pieds.

M. DE VAUDORÉ.

J’avais pourtant bien envie de lui glisser mon quatrain.


Scène III

CÉLINDE, seule.

Partis enfin ! cela a été difficile. — Ils avaient ici leurs habitudes ! ils étaient à l’aise comme chez eux, plus que chez eux. — Une danseuse, une fille de théâtre, cela ne gêne pas. — C’est comme un chat familier, une levrette qui joue par la chambre. — Ah ! mes chers marquis, je vous hais de toute mon âme. — Étaient-ils naïvement insolents ; quel ton de maître ils prenaient ! ils se seraient volontiers passés de moi dans ma maison. — Mais où avais-je la tête, où avais-je le cœur, de ne point voir cela, de ne m’en être aperçue qu’aujourd’hui ? — Ils ont été toujours ainsi ; moi seule suis différente : Célinde la danseuse, Célinde la folle créature, la perle des soupers, comme ils disent, Célinde n’est plus ; — il est né en moi une nouvelle femme. — Depuis que j’ai lu les œuvres du philosophe de Genève, mes yeux se sont dessillés. Je n’avais jamais aimé. Je n’avais pas rencontré Saint-Albin, ce jeune homme à l’âme honnête, au cœur enthousiaste, épris des beautés de la nature, qui chaque soir, après l’Opéra, déclame