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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/72

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si éloquemment dans mon boudoir contre la corruption des villes, et fait de si charmants tableaux de la vie innocente des pasteurs ! Quelle sensibilité naïve ! quelle fraîcheur d’émotion et quelle jolie figure ! Non, Saint-Preux lui-même n’est pas plus passionné. — S’ils avaient su, ces marquis imbéciles, que j’adore un jeune précepteur portant le nom tout simple de Saint-Albin, un frac anglais et des cheveux sans poudre, ils n’auraient pas assez de brocards, assez de plaisanteries… Mais le temps presse… C’est ce soir que je dois quitter ces lieux, théâtre de ma honte… J’ai écrit à Francœur que je rompais mon engagement. Renvoyons ces présents, prix de coupables faiblesses. (Elle sonne.) Florine, reporte ces bracelets à M. le duc, cette rivière au chevalier.


Scène IV

CÉLINDE, SAINT-ALBIN.
CÉLINDE.

Enfin ! — J’ai cru que vous ne viendriez pas.

SAINT-ALBIN.

Il n’est pas l’heure encore.

CÉLINDE.

Mon cœur avance toujours. — Personne ne vous a vu ?

SAINT-ALBIN.

Personne. La ruelle était déserte.

CÉLINDE.

Ce n’est pas que je rougisse de vous, — bien que vous ne soyez ni duc ni traitant ; — mais je crains pour mon bonheur. — Nos grands seigneurs blasés ne me pardonneraient pas d’être heureuse.

SAINT-ALBIN.

Est-ce qu’ils vous entourent toujours de leurs obsessions ?