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Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/74

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la contredanse et faire quelque pirouette ou quelque gargouillade.

CÉLINDE.

N’ayez pas peur. J’aurai bien vite désappris ces grâces factices, ces pas étudiés. J’étais née pour être bergère.

SAINT-ALBIN.

Labourer la terre, garder les troupeaux, c’est la vraie destination de l’homme… — Paris, ville de boue et de fumée, que ne puis-je te quitter pour jamais !

CÉLINDE.

Fuyons loin d’une société corrompue.

SAINT-ALBIN.

J’aurais cependant bien voulu me commander une veste tourterelle et quelques habits printaniers assortis à notre nouvelle existence. Ces tailleurs de village sont si maladroits ! Mais qu’importe au bonheur la coupe d’un vêtement ? La vertu seule peut rendre l’homme heureux.

CÉLINDE.

La vertu… accompagnée d’un peu d’amour… Venez, cher Saint-Albin ; ma voiture nous attend au bout de la ruelle.

SAINT-ALBIN.

Il faudra que j’écrive à la famille dont j’élève les enfants d’après la méthode de l’Émile qu’une nécessité impérieuse me force à renoncer à ces fonctions philosophiques.

CÉLINDE.

Vous aurez peut-être plus tard l’occasion d’exercer vos talents dans notre ermitage… Ah ! Saint-Albin, je ne serai pas une mère dénaturée ; … notre enfant ne sucera pas un lait mercenaire !

Ils sortent.