Aller au contenu

Page:Gautier - Théâtre, Charpentier, 1882.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le nez en l’air, lisant chaque écriteau pendu :
J’avise une maison de celle-ci voisine.
Tu vois — ce fronton grec qui là-bas se dessine, —
Tranquille j’y vivais depuis quelque huit jours,
De compagnie avec un pot de graisse d’ours,
Deux flacons d’eau de Lob et d’huile athénienne ;
Ma mèche de cheveux napoléonienne
S’épaississait déjà sur mon front mieux garni ;
La fraîcheur revenait à mon teint rajeuni
Et le calme du cœur dans mon âme apaisée,
Quand je vis, m’accoudant un jour à la croisée,
Dans le jardin voisin où plongeait mon regard,
Assise sur un banc, et lisant à l’écart,
Une fée, une grâce, un astre, une merveille !
Rose comme Psyché quand l’Amour se réveille,
Blanche comme la neige au sommet du mont Blanc,
Qui tournait les feuillets d’un pouce nonchalant,
Et semblait dans le ciel où son œil bleu se lève,
Suivre, à travers l’auteur, sa pensée ou son rêve !
— C’était mon idéal, mais le vrai cette fois, —
J’envoyai des baisers avec le bout des doigts,
Et lançai des poulets que le vent sur son aile
Emporta par-dessus la plaine de Grenelle.

Georges.

Elle te remarqua sans doute et tu lui plus.

Paul.

Hélas ! non ; au jardin elle ne revint plus.
Le cerbère tenté montra des crocs de dogue,
La duègne refusa mes louis d’un air rogue ;
Il fallut en venir alors aux grands moyens,
Danser la cachucha sur les murs mitoyens,
Se suspendre à l’échelle en galant de Séville
Pour venir se planter devant la jeune fille,
Dans la pose classique, une main sur le cœur,