L’abbé commença le panégyrique de Cormoran, par Moustache, d’un ton minaudier et superlicocantieux :
« C’était le plus beau danseur du monde. Personne ne faisait la révérence de meilleure grâce ; il devinait toutes les énigmes, jouait bien tous les jeux, tant de force que d’adresse, depuis le trou madame jusqu’au ballon. Sa figure était charmante et empaquetée, si l’on peut le dire, dans les agréments les plus rares ; il savait accompagner de toutes sortes d’instruments une voix charmante qu’il avait.
« Outre les talents que je viens de nombrer, il faisait joliment les vers. Sa conversation enjouée et sérieuse satisfaisait également par ses grâces et sa solidité. Austère avec la prude, libre avec la coquette, mélancolique avec la tendre, il n’y avait pas à la cour une dame dont il n’excitât la jalousie.
« La supériorité de son esprit ne le rendait pas insociable ; complaisant avec finesse, il savait se plier à tout ; il possédait mieux que pas un le jargon brillant, et il n’y avait personne qui ne fût comblé de l’entendre ; et, quoique cet être farouche, intitulé de bon sens, n’agît pas toujours civilement avec ce qu’il disait, l’élégance insoutenable de ses discours faisait qu’il n’y perdait rien, ou que le bon sens caché derrière une multitude miraculeuse de mots placés au mieux aurait paru d’une insipidité affadissante à ses sectateurs les plus absurdes, s’il eût été vêtu moins légèrement. »
Un imperceptible bâillement, réprimé par politesse, contracta la mâchoire de Mme de Champrosé, qui d’abord avait souri aux aimables qualités de Cormoran.
« En effet, continua l’abbé, la raison est vulgaire : elle paraît toujours ce qu’elle est ; elle craint de se noyer dans l’enjouement, et ne manque pas de faire un saut en arrière quand une idée singulièrement