Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/318

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— Madame veut-elle sortir du bain ?

— Oui ; roule-moi dans un peignoir, et porte-moi à mon lit ; nous continuerons la conversation. »

Quand Mme de Champrosé se fut établie sur les oreillers que Justine faisait bouffer d’une main légère, l’entretien se poursuivit de la sorte entre la maîtresse et la femme de chambre :

« Justine, cela contrariera peut-être tes idées de vertu, mais j’ai donné rendez-vous à M. Jean, rendez-vous en plein vent, il est vrai, et qui ne peut tirer à conséquence ; mais un rendez-vous, enfin.

— Madame, je ne vous blâmerai point de cela. Puisque vous désirez poursuivre cette aventure, il ne fallait pas en perdre tout d’abord la trace.

« Sans ce rendez-vous, comment aurions-nous retrouvé M. Jean, que nous ne connaissons pas, à moins de le demander à M. Bonnard, qui le connaît.

— Tu as l’esprit judicieux, Justine, mais ce projet, quoique bien conçu, ne laisse pas que d’être assez embarrassant à l’exécution.

— Que madame la marquise daigne se reposer sur moi des détails et des fatigues de l’exécution ; je m’en vais lui dérouler mon plan de campagne : d’abord, il me faudrait vingt-cinq louis.

— Prends-les. Il y a de l’or dans le tiroir du petit bureau en bois de rose, là-bas, près de la fenêtre.

— Je les ai.

— Continue, maintenant.

— Avec ces vingt-cinq louis, je vais louer une jolie chambre très virginale et très modeste, et je la garnirai de meubles tels que peut les avoir une ouvrière en dentelles qui a les doigts agiles et à qui l’ouvrage ne manque pas, car si vous voulez voir plus tard M. Jean avec un peu plus de commodité et de mystère que dans la rue, vous ne pourrez, à moins de détruire complètement son illusion, le recevoir à l’hôtel de