Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/331

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il faut avouer que tout modeste et réservé que fût M. Jean, la perspective d’un tête-à-tête un peu moins en plein vent, dans ce boudoir roulant qu’on appelle un fiacre, lui souriait très fort.

Il proposa ce dernier moyen à Jeannette qui l’accepta, non sans rougir un peu, mais elle commençait à être un peu lasse, car de sa vie elle n’avait autant marché.



XII


Trouver un fiacre, ce ne fut pas long ; il en flânait un par là, la caisse peinte en bleu perruquier et doublée en vieux velours d’Utrecht jaune. En amour, souvent un fiacre vaut un bosquet de Cythère.

Nos deux amants y montèrent, et dans le trajet qui malheureusement n’était pas long, Jean, avec une hardiesse respectueuse, s’était emparé de la main de Mlle Jeannette, qui ne l’avait pas trop disputée, et en couvrait les ongles roses de baisers.

La voiture s’arrêta, et un : déjà ! naïf s’échappa des lèvres de Mme de Champrosé. Exclamation qui dut charmer beaucoup M. Jean, car elle pouvait passer pour un aveu, ou tout au moins pour la préface d’un aveu.

M. Jean, qui avait donné la main à Mlle Jeannette pour descendre du fiacre, n’avait pas lâché les jolis petits doigts qu’il tenait pressés délicatement entre les siens.

La stricte bienséance eût peut-être voulu qu’il saluât et se retirât ; mais M. Jean, quoique de province et le plus respectueux du monde dans ses façons, n’était