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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/330

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et si votre beauté attire encore les regards, du moins ma présence les forcera d’être respectueux. »

La marquise de Champrosé, qui sentait que ce raisonnement était juste, et qui s’y serait rendue quand même il n’eût pas été juste, appuya le bout de sa main délicate et gantée d’une petite mitaine de filet sur la manche bien brossée de M. Jean ; ainsi appuyée, elle marcha d’un pied plus sûr sur le pavé glissant, et parvint bientôt au boulevard.

« Mais je voudrais bien retourner chez moi, répondit du ton le plus naïf et le plus modeste du monde Jeannette, qui n’était pas fâchée de prolonger ainsi le rendez-vous et donner d’une façon naturelle son adresse à M. Jean.

— Chez vous ? rien de mieux ; mais où est-ce chez vous ? »

Jeannette nomma la rue.

Seulement, comme elle ne connaissait nullement les rues de Paris, n’étant jamais sortie qu’en voiture, il lui fut impossible d’en trouver le chemin.

Il eût paru invraisemblable à quelqu’un de moins amoureux et de moins préoccupé que M. Jean, qu’une ouvrière en dentelles ne sût pas le chemin de sa maison ; la jeune femme donna pour excuse qu’elle sortait fort peu et habituellement en compagnie d’une amie qui savait mieux s’orienter qu’elle à travers la grande ville, et que, ce jour-là, elle ne l’avait pas amenée pour une cause que M. Jean apprécierait sans doute.

Ce n’était pas à notre jeune homme de trouver cette excuse mauvaise ; il s’en contenta.

Quant à lui, sa position de provincial nouveau débarqué le dispensait de rien connaître aux rues de Paris ; il n’y avait d’autre moyen que de demander sa route de carrefour en carrefour, ce qui serait fort ennuyeux, ou bien de prendre une voiture de place, et