Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rosette n’en dit rien, car cette histoire divulguée eût perdu Candale de réputation.

Aussi le matin, très inquiète de cette mésaventure, elle fit devant une glace l’examen détaillé de ses charmes : elle déroula ses cheveux qui étaient à pleines mains ; elle regarda ses dents en les découvrant jusqu’à leurs gencives roses.

Jamais jeune loup, égorgeant dans les bois son premier mouton, n’en eut de plus pures ; elle examina son teint plus uni que le satin, que le marbre, que tout ce qu’il y a d’uni au monde, et elle n’y trouva ni un pli, ni une ride, ni une gerçure, ni une tache de rousseur, ni une vergeture ; Hébé, la déesse de la jeunesse ; Hygie, la déesse de la santé, ont à coup sûr moins de fraîcheur.

Par un heureux privilège, que le vice a plus souvent que la vertu, les joues de Rosette, malgré le fard et les baisers, conservaient cette fleur de pêche que le moindre contact enlève, elle passa en revue ses bras, qui étaient les plus beaux du monde, et ses jambes que tout Paris admirait, brillantes comme le marbre sous leur réseau de soie, dans les ballets de Dauberval.

Le résultat de cette inspection fut un sourire. Rosette se trouvait belle.

Elle était rassurée et se donna pour explication que Candale avait ce soir quelque souci dans l’âme, ou bien qu’il était fatigué, quoique le dix-huitième siècle n’admît pas que l’on pût être fatigué.

Elle prit donc une grande résolution, surtout pour une danseuse, plus adroite de ses pieds que de ses mains ; ce fut d’écrire au vicomte de Candale !

Les danseuses et même les grandes dames du dix-huitième siècle ne brillaient pas précisément par la calligraphie et l’orthographe.

On a conservé des lettres de Mme de Pompadour, de Mme la Popelinière, d’un style charmant, mais écrites