Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/370

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heures que j’étais indignement trompée, et j’eus le plaisir de confondre le parjure avec des preuves de trahison si évidentes, qu’il crut qu’il y avait de la diablerie là-dessous, ou tout au moins de la magie blanche.

— C’est admirable !

— Je vais demander avec toi à M. de Sartines qu’il mette à ton service ces deux Argus, ce qu’il t’accordera à coup sûr, à moins qu’ils ne soient employés à des choses qui concernent le salut de l’État. «

Rosette donna dans cette idée avec la furie d’une personne amoureuse et jalouse qui voit un moyen d’éclaircir ses doutes, et les deux danseuses s’en allèrent chez M. Sartines qu’elles trouvèrent dans un cabinet plein de perruques, en train d’en essayer une nouvelle.

Ce magistrat les reçut de la manière la plus affable et la plus gracieuse, et se fit un plaisir d’attacher temporairement au service de Rosette les sieurs Clochebourde et Pincecroc qui, en virtuoses émérites, ne purent s’empêcher de sourire lorsque la danseuse leur dit ce qu’elle désirait savoir.

Le lendemain, un petit rapport fort proprement écrit se trouvait sous l’oreiller de Rosette, placé là par une main inconnue.

Il contenait ces mots :

« M. le vicomte de Candale va tous les jours chez M. Bonnard, son intendant, où il quitte ses habits de ville pour prendre ceux d’un jeune commis aux gabelles, puis il se rend, ainsi déguisé, rue de***, n°***, au troisième étage, chez Mlle Jeannette, ouvrière en dentelles, emménagée là depuis peu. Il y reste deux heures environ.

« Dimanche dernier, M. le vicomte et Mlle Jeannette sont allés se promener à la campagne et ont dîné au cabaret du Lapin blanc. Nous ne savons pas au juste