Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/369

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— Je sens le vrai de ce que tu dis ; mais comment se conduire en une telle occurrence ?

— Fais-toi faire la cour par deux autres amants, cela te distraira toujours un peu.

— Point. J’écouterai tes conseils, à la condition qu’ils ne me diront pas de renoncer à mon amour.

— À la bonne heure, c’est être franche, et je vais te conseiller selon ton goût. Il faut absolument savoir ce que fait M. de Candale.

« Tu y es bien décidée, n’est-ce pas, car tu n’es pas de ces courages pusillanimes qui préfèrent l’incertitude à la vérité ?

— Non, certes ; mais comment savoir ce qu’il fait ? Je l’ai essayé vainement.

— Belle manière de pénétrer le secret des gens que de l’aller demander à eux-mêmes !

— Alors, comment s’y prendre ?

— M. de Sartines, qui est fort de mes amis, m’a rendu quelques petits services dans les choses de son ressort, et cela le plus galamment du monde.

— M. le lieutenant de police ?

— Oui.

— Quel rapport y a-t-il entre la police et l’amour ?

— De très grands rapports. J’avais un amoureux que je soupçonnais de quelques frasques en dessous ; je n’y tenais pas autrement ; mais je n’aime pas à être prise pour dupe.

M. de Sartines, pour éclairer sa conduite, me prêta ses deux plus fines mouches, des gens admirables pour la sape et l’intrigue, qui en revendraient à tous les Scapins de comédie, des hommes de génie qui lisent les lettres que vous avez dans vos poches, reconnaissant les gens masqués, voient à travers les murs et vous racontent tous vos secrets.

— En qu’en arriva-t-il ?

— Mes Sbrigani me démontrèrent en vingt-quatre