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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/382

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« Quelle que soit la manière dont vous ayez appris mon nom, je ne le renierai pas. Oui, je suis le vicomte de Candale. Je dois cela à mes aïeux de le dire quand on me le demande.

— Ah ! monsieur de Candale, comme vous avez abusé de la simplicité d’une jeune fille ! comme vous m’avez trompée !

— Trompée ! et en quoi ? Ai-je menti ? Regardez, mes yeux ne sont-ils pas pleins de flamme et d’amour ? Ce que M. Jean a dit, Candale le répète.

— Mais Mlle Jeannette peut-elle l’écouter ?

— Dédaigneuse ! elle écoutait bien M. Jean. Allez-vous faire la fière parce que je ne suis qu’un vicomte ? Tout le monde ne peut pas être roturier. Je n’ai pas eu la chance de naître sans particule et sans titre. Il faut me pardonner.

— Comment se fait-il que le vicomte de Candale fût à la noce au Moulin-Rouge ?

— Mon Dieu ! pur caprice, désœuvrement, ennui de plaisirs fastidieux, amour de l’inconnu, vague espérance du cœur qui cherche ce qu’il rêve et que j’ai trouvé, grâce à mon travestissement ; vous avez accueilli le commis aux gabelles et vous auriez repoussé le vicomte.

Écoutez, Jeannette, continua-t-il d’un ton plus sérieux : je vous aime comme je n’ai jamais aimé personne ; fiez-vous à moi.

Loin de cacher ma passion, je veux m’en glorifier, je veux vous remettre à votre place, je veux enchâsser votre beauté dans l’or, vous faire une vie d’enchantements et de fêtes, vous rendre riche, éclatante, heureuse à faire envie aux duchesses, vous donner sur des plats d’argent les clefs de vermeil de tous mes châteaux ; la maîtresse du roi, qui est presque reine de France, pâlira de jalousie en vous voyant passer, car elle se sentira tombée du trône de beauté qu’elle n’oc-