Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/383

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cupe que parce que vous daignez rester dans l’ombre.

Ma vie, mon sang, mon or, tout est à vous. Je vous donne tout.

— Oui, tout, excepté cet anneau, que M. Jean aurait passé au doigt de Jeannette, et qui, seul, me permettrait d’accepter les trésors de M. de Candale.

Adieu, vicomte, nous ne devons plus nous revoir. Baisez ma main pour la dernière fois… Ah ! monsieur Jean, pourquoi êtes-vous venu danser au Moulin-Rouge ! »



XXI


Il faudrait un crayon plus habile et plus exercé que le nôtre pour peindre au vrai la physionomie désappointée de l’abbé lorsqu’il se présenta à l’hôtel de Champrosé à son heure ordinaire, et qu’il lui fut dit par le suisse que Mme la marquise était allée passer six semaines à la terre de sa tante, la vieille baronne de Kerkaradec, en Bretagne.

L’abbé, réjoui de l’idée de voir Mme de Champrosé dont il aimait fort la société, était arrivé d’un air furtif et joyeux, sautillant sur la pointe de ses souliers à boucles d’or, son petit manteau galamment jeté sur le bras, sa jambe moulée dans un fin bas de soie noire et comme on dit in fiocchi.

Il était encore plus rose et plus épanoui que de coutume ; son sourire, motivé par un contentement intérieur, faisait étinceler les trente-deux perles de sa denture.

Il avait préparé deux ou trois plaisanteries à peu près neuves et autant de madrigaux presque inédits sur l’effet desquels il comptait beaucoup. Jamais il ne