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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/389

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filade qui le faillit éborgner, et le força de porter pendant quelques jours une grande mouche de taffetas d’Angleterre qui le défigurait si plaisamment, qu’elle faillit lui faire avoir un autre duel.

Voilà les fâcheuses extrémités où Mme de Champrosé contraignit ses quatre visiteurs habituels, en feignant d’aller passer six semaines chez sa tante, la baronne douairière de Kerkaradec, tandis qu’elle filait le parfait amour avec Jean, dans sa petite chambre d’ouvrière en dentelles.

Mais ce que Mme de Champrosé n’avait pas prévu, c’est le parti suprême que prirent tous ces désœuvrements aux abois.

Au bout de quelques jours d’essais infructueux pour se caser aussi agréablement ailleurs, l’abbé, le financier, le chevalier et le commandeur conçurent séparément une idée dont chacun crut avoir la primeur, et qu’ils mirent à exécution le plus sournoisement possible.

Cette idée amena la complication que nous allons raconter.



XXII


Le manoir de Kerkaradec, vieux reste des temps de barbarie, est une bastille gothique avec des murailles de quinze pieds d’épaisseur, où les fenêtres font cabinet, avec des créneaux, des moucharabys, des mâchicoulis, des barbacanes, un pont-levis, une herse et tout l’attirail féodal.

Quatre tourelles aux toits en poivrière flanquent les angles, surmontées de girouettes en queue d’aronde que rouille le vent de la mer qui se brise au pied du