Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/396

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le romanesque d’être aimée pour elle-même, de ne devoir qu’à ses agréments naturels un triomphe qu’elle eût si facilement conquis avec son titre, sa richesse et sa grande position.

D’un autre côté, le vicomte de Candale, en rentrant chez lui, où il déposa les modestes habits de M. Jean, désormais inutiles, sentit qu’il était éperdument amoureux de Jeannette, et qu’il lui serait impossible de vivre sans elle.

Il alla donc la voir, revêtu, cette fois, des habits de son rang, dans un costume magnifique et galant qui faisait ressortir merveilleusement les avantages de sa personne. Il avait mis ses ordres, comme pour une visite de cérémonie.

Quand il entra dans la chambre, l’air tout rayonnant et tout superbe, Jeannette eut un frisson de plaisir, et trouva le vicomte beaucoup plus beau que le commis aux gabelles.

« Ah ! monsieur Jean, s’écria-t-elle en jouant en perfection la surprise et la douleur, monsieur de Candale, veux-je dire, c’est peu généreux à vous de poursuivre une pauvre fille dont vous avez troublé la vie, et qui ne demande qu’à vous oublier, si elle le peut, dans l’ombre où vous êtes venu la trouver.

— Jeannette, de grâce, continuez à Candale l’amitié, l’amour que vous sembliez avoir pour M. Jean.

— Ne me rappelez pas ce nom sous lequel vous avez surpris un cœur qui croyait pouvoir se donner.

— Eh bien ! soit. Ne parlons plus de Jean, parlons de Candale, dit le vicomte en se jetant aux pieds de Jeannette. Que veux-tu, méchante fille, être vertueux et froid qui te fais un jeu de ma souffrance ? Tu refuses de me recevoir parce que je suis un vicomte.

Ta roture est donc plus fière que ma noblesse ? Quand tu serais princesse, quand tu descendrais de Charlemagne en droite ligne, quand ton blason irait