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Page:Gautier - Un trio de romans, Charpentier, 1888.djvu/397

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de pair avec le mien, que saint Louis a enrichi d’une nouvelle pièce aux croisades, est-ce que je t’en aimerais moins, et dois-tu m’imputer à faute un avantage que je n’ai pas cherché ?

Oui, Jeannette, je le sens, ma vie est désormais attachée à la tienne et ne peut s’en séparer ; il faut que tu m’aimes tout vicomte que je suis. Je vois ta réponse voltiger sur tes lèvres charmantes, mais tu ne la diras point, car ce baiser l’étouffera au passage.

Tu es à moi de par la sainte nature, de par le droit sacré de l’amour, de par ton cœur qui tremble, de par le mien qui bondit ; duchesse ou grisette, prince ou manant, qu’importe ! Il n’y a ici que Cupidon et Psyché qui s’embrassent en se reconnaissant.

— Candale, laissez-moi, soupira Jeannette, cherchant à se dégager des bras du vicomte, n’abusez pas de ce que je vous aime.

— Ne crains rien, cher ange ; reste sur mon cœur, c’est ta place ; que peut avoir à redouter de son mari la vicomtesse de Candale ?

— Ô ciel ! que dites-vous là ?

— Je dis que je vous épouse, parce qu’il n’y a plus maintenant qu’une femme au monde pour moi, et c’est vous.

— Bonheur inespéré ! dit Jeannette, pâle et rose tour à tour, mais que je ne dois pas accepter ! Y songez-vous, quelle mésalliance ! un des plus beaux noms de France s’unir à une pauvre ouvrière en dentelles qui n’a rien que sa vertu.

— Tu es reine par ta vertu. Et d’ailleurs, par les mœurs et les morales qui courent, personne n’est sûr du sang qu’il a dans les veines.

Qui sait si tu n’es pas aussi noble que moi ? Nos princes sont assez galants pour se pouvoir dire à la lettre pères du peuple.

— Oh ! de grâce, Candale, ne calomniez pas ma