Page:Gautier - Une larme du diable.djvu/86

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BLANCHEFLOR.

Ma goutte d’eau est une larme de joie.

SATANAS.

La mienne est une larme bien amère ; aucun œil mortel ne pourrait en pleurer une semblable sans devenir aveugle. Il n’y a que moi qui aie pu la pleurer et ne pas en mourir.

BLANCHEFLOR.

Oh ! laisse-moi la boire.

SATANAS.

Le jus laiteux de l’euphorbe, le sang noir du pavot, l’eau qui dissout tous les vases excepté les vases de corne, le venin de l’aspic et de la vipère ont un poison moins subtil et moins prompt.

BLANCHEFLOR.

On dit qu’il y a des bouches qui sucent sans danger la morsure des serpents et la guérissent ; est-ce que l’amour ne pourrait guérir d’un baiser les morsures de la douleur sans en prendre le venin ?

SATANAS.

Essayons.

BLANCHEFLOR.

Sur tes yeux et ta bouche.