Page:Gautier - Une larme du diable.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

SATANAS.

Sur ton sein.

BLANCHEFLOR.

Pas ici ; plus tard. Oh ! je t’en prie, ne vas pas croire au moins que je veuille t’éviter ; j’irais jusqu’à toucher l’horizon du bout du doigt pour me donner à toi tout entière et sans réserve. Je ne suis pas de ces femmes qui s’économisent et se détaillent, qui donnent un jour une main à baiser, l’autre jour le front ou le bas de leur robe, pour faire durer plus longtemps l’amour par le désir. Je ne suis pas comme ces buveurs qui ont un flacon d’une liqueur précieuse et qui n’en boivent qu’une larme tous les jours ; je vide la coupe d’un seul coup et je me donne en une fois. Quand tu devrais m’abandonner au bout d’une heure, je serais satisfaite ; je serais sûre au moins que tu m’aurais aimée cette heure-là, et qui peut dire qu’il ait été véritablement aimé une heure pendant sa vie ? C’est le dernier caprice de ma virginité expirante ; c’est la première chose que je te demande, accorde-la-moi, je veux encore revoir une dernière fois la petite chambre où j’ai passé tant d’années pures et