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Page:Gautier - Voyage en Espagne.djvu/153

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VOYAGE EN ESPAGNE.

en croire les auteurs indigènes, elle remonterait jusqu’à l’apôtre Santiago, premier évêque de Tolède, qui en aurait désigné la place à son disciple et successeur Elpidius, ermite du mont Carmel. Elpidius éleva à l’endroit marqué une église qu’il mit sous l’invocation et le titre de sainte Marie, pendant que cette dame divine vivait encore en Jérusalem. « Notable félicité ! blason illustre des Tolédans ! le plus excellent trophée de leurs gloires ! » s’écrie dans une effusion lyrique l’auteur dont nous extrayons ces détails.

La sainte Vierge ne fut pas ingrate, et, suivant la même légende, descendit en corps et âme visiter l’église de Tolède, et apporta de ses propres mains au bienheureux saint Ildefonse une belle chasuble en toile du ciel. « Voyez comme sait payer cette reine ! » s’écrie encore notre auteur. La chasuble existe, et l’on voit enchâssée dans le mur la pierre où se posa la plante divine, dont elle garde encore l’empreinte. Une inscription ainsi conçue atteste le miracle :

 
QUANDO LA REINA DEL CIELO
PUSO LOS PIES EN EL SUELO
EN ESTA PIEDRA LOS PUSO.


La légende raconte en outre que la sainte Vierge fut si contente de sa statue, la trouva si bien faite, si bien proportionnée et si ressemblante, qu’elle l’embrassa et lui communiqua le don des miracles. Si la reine des anges descendait aujourd’hui dans nos églises, je doute qu’elle fût tentée d’embrasser son image.

Plus de deux cents auteurs des plus graves et des plus honorables racontent cette histoire aussi prouvée pour le moins que la mort de Henri IV ; quant à moi, je n’éprouve aucune difficulté de croire à ce miracle, et j’admets parfaitement cette histoire au rang des choses authentiques. L’église subsista telle quelle jusqu’à saint Eugène, sixième évêque de Tolède, qui l’agrandit et l’embellit autant que