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VOYAGE EN ESPAGNE.

forme admirable et magnifique qu’on lui voit aujourd’hui, et qui est, dit-on, celle du temple de Diane à Éphèse. Ô naïf chroniqueur ! permettez-moi de n’en rien croire : le temple d’Éphèse ne valait pas la cathédrale de Tolède ! L’archevêque Rodrigue, assisté du roi et de toute la cour, ayant dit une messe pontificale, en posa la première pierre un samedi, l’an 1227 ; l’œuvre se poursuivit avec beaucoup de chaleur jusqu’à ce qu’on y eût mis la dernière main et qu’on l’eût portée au plus haut degré de perfection où puisse atteindre l’art humain.

Qu’on nous pardonne cette petite digression historique, nous ne sommes pas coutumier du fait, et nous allons revenir bien vite à notre humble mission de touriste descripteur et de daguerréotype littéraire.

L’extérieur de la cathédrale de Tolède est beaucoup moins riche que celui de la cathédrale de Burgos : point d’efflorescence d’ornements, point d’arabesques, point de collerettes de statues épanouies autour des portails ; de solides contre-forts, des angles nets et francs, une épaisse cuirasse de pierre de taille, un clocher d’un aspect robuste, qui n’a rien des délicatesses de l’orfèvrerie gothique, tout cela revêtu d’une teinte rousse, d’une couleur de rôtie grillée, d’un épiderme hâlé comme celui d’un pèlerin de Palestine ; en revanche, l’intérieur est fouillé et sculpté comme une grotte à stalactites.

La porte par laquelle nous entrâmes est de bronze et porte l’inscription suivante : Antonio Zurreno del arte de oro y plata, faciebat esta media puerta. L’impression qu’on éprouve est des plus vives et des plus grandioses ; cinq nefs partagent l’église : celle du milieu est d’une hauteur démesurée, les autres semblent à côté d’elle incliner la tête et s’agenouiller en signe d’adoration et de respect ; quatre-vingt-huit piliers, gros comme des tours et composés chacun de seize colonnes fuselées et reliées entre elles, soutiennent la masse énorme de l’édifice ; une nef transversale coupe la grande nef entre le chœur et le maître-autel, et