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VOYAGE EN ESPAGNE.

quelques raies rouges. La route, désormais d’un tracé certain, commençait à se border d’une ligne de cactus et d’aloès, interrompue çà et là par des jardins et des maisons devant lesquelles des femmes raccommodaient des filets, et jouaient des enfants tout nus qui criaient en nous voyant passer sur nos mules : Toro, toro ! L’on nous prenait, à cause de nos habits de majo, pour des maîtres de ganaderias ou pour des toreros du quadrille de Montès.

Les chariots traînés par des bœufs, les files d’ânes, se suivaient à intervalles plus rapprochés. Le mouvement qui a toujours lieu aux abords d’une grande ville se faisait déjà sentir. De tous côtés débouchaient des convois de mules portant des spectateurs pour l’ouverture du cirque ; nous en avions rencontré beaucoup dans la montagne, venant de trente ou quarante lieues à la ronde. Les aficionados sont, pour la véhémence et la furie, autant au-dessus des dilettanti qu’une course de taureaux est supérieure comme intérêt à une représentation d’opéra ; rien ne les arrête, ni la chaleur, ni la difficulté, ni le péril du voyage : pourvu qu’ils arrivent et qu’ils aient leurs places près de la barrera, à pouvoir frapper de la main la croupe du taureau, ils se croient amplement payés de leurs fatigues. Quel est l’auteur tragique ou comique qui peut se vanter d’exercer une attraction pareille ? Cela n’empêche pas des moralistes doucereux et sentimentaux de prétendre que le goût de ce barbare divertissement, comme ils l’appellent, diminue tous les jours en Espagne.

On ne peut rien imaginer de plus pittoresque et de plus étrange que les environs de Malaga. Il semble qu’on soit transporté en Afrique : la blancheur éclatante des maisons, le ton indigo foncé de la mer, l’intensité éblouissante du jour, tout vous fait illusion. De chaque côté de la chaussée se hérissent des aloès énormes, agitant leurs coutelas ; de gigantesques cactus aux palettes vert-de-grisées, aux tronçons difformes, se tordent hideusement comme des boas monstrueux, comme des échines de ca-