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VOYAGE EN ESPAGNE.

qu’il fallut que l’alcade promît de le faire mettre en prison pour que l’ordre se rétablît.

Dans cette même course, Sevilla, qui est un écuyer admirable, fut très applaudi pour le trait suivant : un taureau d’une force extraordinaire prit son cheval sous le ventre, et, relevant la tête, lui fit quitter terre complètement. Sevilla, dans cette position périlleuse, ne vacilla même pas sur sa selle, ne perdit pas les étriers, et tint si bien son cheval qu’il retomba sur les quatre pieds.

La course avait été bonne : huit taureaux, quatorze chevaux tués, un chulo blessé légèrement ; on ne pouvait souhaiter rien de mieux. Chaque course doit rapporter vingt ou vingt-cinq mille francs ; c’est une concession faite par la reine au grand hôpital, où les toreros blessés trouvent tous les secours imaginables ; un prêtre et un médecin se tiennent dans une chambre à la plaza de Toros, prêts à administrer, l’un les remèdes de l’âme, l’autre les remèdes du corps ; l’on disait autrefois, et je crois bien que l’on dit encore une messe à leur intention pendant la course. Vous voyez que rien n’est négligé, et que les impresarios sont gens de prévoyance. Le dernier taureau tué, tout le monde saute dans l’arène pour le voir de plus près, et les spectateurs se retirent en dissertant sur le mérite des différents suertes ou cogidas qui les ont le plus frappés. Et les femmes, me direz-vous, comment sont-elles ? car c’est là une des premières questions que l’on adresse à un voyageur. Je vous avoue que je n’en sais rien. Il me semble vaguement qu’il y en avait de fort jolies auprès de moi, mais je ne l’affirmerai pas.

Allons au Prado pour éclaircir ce point important.