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À propos d’ange et de petite fille, laissez-moi vous raconter une histoire qui m’a été dite par un poëte qui ne veut plus écrire, et qui en sait bien d’autres ; si le conte n’est pas charmant, ne vous en prenez qu’à moi.

L’idée de tout jeune couple, c’est d’avoir un bel enfant. Un et deux font trois en arithmétique amoureuse. La mère, le père, l’enfant, composent la trinité humaine. La trinité céleste, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, est moins heureuse ; il y manque une femme. La naissance d’Annah combla ses parents de joie ; il est vrai que c’était la plus délicieusement mignonne petite fille qui se pût imaginer. Elle était réellement ce qu’elle paraissait aux yeux de son père, et même de sa mère, ceci rend toute description superflue.

Jusqu’à l’âge de dix ans, elle crût en grâces du corps et de l’esprit, en beautés du visage et de l’âme. Les êtres les plus grossiers éprouvaient à son aspect une admiration respectueuse. Ses petites camarades, bien qu’elle fût d’une douceur extrême, osaient à peine jouer avec elle,