Page:Gautier - Zigzags.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 256 —

et sans la légère teinte rose des ongles, et les fils d’azur tracés par les veines, on aurait dit que la vie de ce monde n’y circulait pas.

Un matin, en l’habillant, la gouvernante d’Annah crut apercevoir que les épaules de sa pupille étaient un peu saillantes : elle observa avec plus d’attention le dos de son élève ; la déviation augmentait, les omoplates formaient une protubérance assez sensible. Annah devenait bossue ; on la mit dans une maison orthopédique. Elle fut revêtue d’un corset de fer, couchée sur un lit de torture, où elle subit des tractions énormes avec une patience héroïque. Rien n’y faisait : ce n’était pas une bosse ordinaire, mais plutôt deux prolongations des épaules. Les médecins, selon leur ordinaire, n’y comprenaient absolument rien ; enfin, voyant l’inutilité des remèdes, on débarrassa la pauvre fille de sa cuirasse, et alors il arriva une chose merveilleuse. Des plumes plus blanches que neige commencèrent à pointer sur son dos. Ce que l’on avait pris pour des bosses était tout bonnement des ailes d’ange ; ces ailes se mirent