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dins, ni couronnes, ni fleurs ; un oubli glacial, un abandon navrant. Les tombes, de pierre noirâtre, gardent, comme les caisses des momies, une vague apparence de corps humain tout à fait lugubre. On sent le mort là-dessous. Comment les Anglais, ce peuple si ami du home et du comfort, peuvent-ils se résigner à être si mal à leur aise dans l’autre monde ? On reconnaît bien là une nation pour qui l’utile est la première pensée : À quoi bon s’occuper des morts qui ne servent à rien et ne rapportent pas d’intérêt ? — Il est étrange que ce soit en France, pays léger et frivole par excellence, que la religion des morts soit le mieux observée. Le Père-Lachaise n’a pas son pareil au monde ; il n’est pas rare d’y trouver des tombes de dix ans qui ont des fleurs de la veille.

Un jour, en passant près de Westminster, je vis un jeune garçon qui creusait une fosse. Il était dans le trou jusqu’à mi-corps ; il avait une tête blonde, bouclée et charmante, et l’animation du travail lui rendait la figure toute rose ; il mettait à sa besogne sinistre une activité jo-