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duire exactement les lignes de la composition, les contours des formes, de mettre à leur place les ombres et les clairs, de dégrader habilement les demi-teintes ; il faut, avec une seule teinte noire, rendre la couleur générale du maître, faire sentir s’il est clair ou ténébreux, chaud ou froid, blond ou bleuâtre, clair comme Paul Véronèse ou ténébreux comme Caravage, chaud comme Rubens ou froid comme Holbein, blond comme Titien ou bleuâtre comme le Guide ; marquer la différence des tons, indiquer par des travaux variés la valeur relative des objets, exprimer avec le burin la touche âpre ou fondue, le faire uni ou heurté, le tempérament même du peintre ; ce n’est pas là, certes, un médiocre travail, et l’on n’en vient à bout qu’à force d’étude, de soin, de persévérance, de talent, de génie même. Telle planche qu’on admire a absorbé des années de labeur assidu et coûté par conséquent des sommes considérables, qui dépassent presque toujours et de beaucoup la valeur du tableau reproduit[1].

Les maîtres dessinateurs sont les plus aisés à gra-

  1. Le tableau des Noces de Cana a été payé à Paul Véronèse 324 ducats d’or, plus ses dépenses de bouche et un tonneau de vin, soit 1,004 fr. 12 c. de notre monnaie qui, à la puissance actuelle de l’argent, représentent environ 3,888 fr. ; la gravure que vient d’en faire M. Prévost a coûté aux éditeurs près de 100,000 fr.