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ver ; leurs contours arrêtés se saisissent facilement ; leurs tableaux, modelés dans une harmonie sobre, ne perdent presque rien à être traduits sur cuivre, et l’on peut même dire que plusieurs d’entre eux, à cause de leurs tons enfumés et rembrunis, sont plus agréables à voir dans de belles estampes qui leur conservent tout leur charme moins leur dureté de couleur et les altérations du temps.

Les coloristes, par la nature même de leur talent, offrent de plus grandes difficultés ; comment traduire avec les dégradations d’une teinte unique ces variétés et ces contrastes de nuances ? Quel peintre, par exemple, plus rebelle à la gravure que Paul Véronèse, et où trouver un artiste assez hardi pour aborder avec le burin ce gigantesque tableau des Noces de Cana, la page la plus merveilleuse de cette grande épopée de festins traitées par le peintre vénitien : le Repas chez Simon le Pharisien, le Repas chez Lévi, le Repas chez Simon le Lépreux ? Comment affronter non-seulement cette sérénité lumineuse de sa couleur, mais encore cet immense déploiement d’architecture et de personnages ? Comment renfermer dans un format réduit des compositions qui contiennent tout un monde de figures et de détails ?

Ces difficultés n’ont pas arrêté M. Prévost. Mais