Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/89

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Fortunio, et s’en faire aimer. ― À cette idée se joint sourdement un commencement de jalousie. ― À qui cette tresse de cheveux ? quelle main a donné cette fleur conservée depuis si longtemps ? ― Pour qui ont été faits ces vers, traduits par le rajah marchand de dattes ?

« De quoi vais-je m’inquiéter ? dit Musidora tout haut ; il y a trois ans que Fortunio est revenu des Indes. »

Puis une idée soudaine lui illumina la cervelle. ― Elle sonna. ― Jacinthe parut.

« Jacinthe, faites sauter les pierres de ce portefeuille et portez-les au joaillier B*** de la part du marquis Fortunio. Dites-lui qu’il les monte en bracelet, et tachez de le faire causer sur le compte du marquis. ― Je vous donnerai cette robe gris de perle dont vous avez tant envie. »

Jacinthe revint la mine assez piteuse.

« Eh bien ! fit Musidora en se soulevant.

― Le joaillier a dit que M. le marquis Fortunio venait souvent à sa boutique lui apporter des pierreries à enchâsser ; qu’il revenait les prendre lui-même au jour fixé, le payait toujours comptant, et que du reste il était excellent lapidaire et se connaissait mieux que lui en joyaux. ― Il ne savait rien de plus. ― Aurai-je la robe grise ? dit la Jacinthe, assez alarmée du peu de succès de sa diplomatie.

― Oui ; ne me romps pas la tête, de grâce, et laisse-moi seule. »