Page:Gauvreau - Au bord du Saint-Laurent, 1923.djvu/26

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Ils rampent comme des serpents dans l’ombre, se faufilant adroitement à travers le bois clair semé ; pas un bruit, pas une pierre qui roule, pas même un oiseau effrayé ou un chevreuil surpris pour briser et rompre le silence de la nuit ; et les cent Iroquois, croyant tenir leurs ennemis, avancent toujours, cernent le village afin que personne ne leur échappe. Ils arrivent enfin, le casse-tête à la main, et le scalpel à la ceinture, altérés de sang et de carnage : mais ô déception, les cabanes d’écorce sont vides. Ils écoutent : rien, rien que le bruit de la mer déferlant sur les rochers au large et toute cette rumeur étrangement douce qui vient de la baie où la mer a monté, la mer qui va bientôt se retirer pour laisser un fond de vase à sec.

Quelle nuit de déception pour ces êtres si sûrs d’avoir mis la main sur une riche proie ! Ils font un feu pour le repas du soir, et le sommeil vient bientôt fermer les yeux des guerriers fatigués et déçus. Mais, au matin, le regard tourné vers la mer, un chef Iroquois, devient soucieux ; il s’avance seul sur la grève, remarque des empreintes de pas qui se dirigent vers les ilets ; il en suit, à mer basse les traces, et rendu à l’extrémité de la baie, se couchant à plat ventre sur les galets, il darde son œil vers l’extrémité escarpée d’un des ilets d’où s’élève une vapeur étrange, presqu’imperceptiblement. Il a le ricanement d’un démon, et tout son être frissonne d’une joie d’enfer. Pour lui, plus de doute : ces pistes vers le large ce sont celles des ennemis enfuis : cette vapeur légère partant d’une excavation d’un des ilets, annonce la présence d’êtres parqués dans un endroit bien restreint ! Alors avec des bonds fauves, il revient sur ses pas, gravit le côteau et debout en plein village désert de ses premiers habitants, il pousse un hurlement horrible qui réveille les sauvages Iroquois. C’est le cri de guerre ! Alors on se groupe autour du chef et d’un geste superbe, désignant l’ilet aux regards avides de ses guerriers, il leur apprend la nouvelle de sa découverte.

Aucun cri ne répondit, de l’ilet, à celui du chef Iroquois, mais celui qui eut plongé ses regards dans la caverne au flanc du rocher, aurait pu voir des femmes et des enfants en sanglots, et en face, comme une barrière immuable, les chefs et guerriers Micmacs et Maléchites, prêts au combat et défiant,